Apollon, à peine né sur l'îlot de Délos, part sur les routes pour trouver un lieu ou fonder son culte.
Après avoir été berné par la muse Telphousa qui cherche à l'écarter de son sanctuaire en Béotie, il prend le chemin du Parnasse pour y batir un temple. Il commence par tuer le monstre femelle qui gardait l'endroit. Le monstre pourrit, donnant son nom au lieu : Pythô.
Il détourne un groupe de navigateurs crétois pour qu'ils instaurent son culte en cet endroit.
L'Hymne homérique à Apollon : récit détaillé du voyage du dieu de Délos, son lieu de naissance, jusqu’à Delphes ...
Plusieurs variantes, contradictoires, coexistent sur la façon dont Apollon s'empara de l'oracle.
Certaines en donnent une version violente, d'autres laissent entendre que Thémis, à qui Gâ avait confié l'oracle, transmit paisiblement la propriété à Apollon.
Ces mythes sont à l'image du dieu, qui a une réputation a priori pacifique (civilisateur, constructeur, protecteur des troupeaux, musicien, etc.), mais dont une face mois connue est violente, sanguinaire ("l'Apollon au couteau"), et fut pour cette raison le dieu consulté par les meurtriers.
(écouter Marcel Détienne : Apollon, le bel assassin de Delphes)
En tout état de cause, Apollon a délogé une déesse qui régnait auparavant sur l'oracle. Gâ, Athéna, Déméter, Artémis étaient toujours vénérées à Delphes, mais, à part Gâ, ces déesses furent mises à distance de l'Apollonion, autour du temple, réservé au dieu principal.
DELPHES, nombril du monde grec / Delphi, navel of the Greek World
1. Les voyageurs

Après sa disparition au cours d'invasions slaves au VIIe siècle, le site est redécouvert par le voyageur Cyriaque d'Ancône le 21 mars 1436, qui y séjourne six jours et y recopie une quinzaine d'inscriptions.
Pourtant, on attribue parfois sa redécouverte à Jacob Spon et George Wheler.
Jacob Spon (1647-1685) était un médecin lyonnais érudit, qui inventa le mot "archéologie", George Wheler était un botaniste anglais.
A l'époque, on ne savait en effet plus où se trouvait le site de l'oracle. Les deux compagnons de voyage arrivèrent le 30 janvier 1676 à Castri, le village qui avait succédé à Delphes.
Après s’être assuré, grâce à des inscriptions trouvées sur place qui mentionnaient son nom, qu'ils avaient bien retrouvé le site de Delphes, ils repartirent en regrettant de ne pouvoir en savoir plus : "Il nous fallut nous contenter de ce que les livres nous pouvaient apprendre des richesses et des ornements de ce lieu-la ; car il n'y a plus que la misère, et tout son éclat a passé comme un songe":
Depuis le passage de Cyriaque qui avait vu quelques monuments, le sanctuaire avait été entièrement recouvert par les terres et les maisons.
Source :
Pierre Amandry, Delphes oublié, CRAI 136-4 (1992)

1803 W. Walker
1811 Stackelberg

1830 Monin

Joseph Mallord William Turner 1832


1835 Karl Brulloff
Pushkin Museum of Fine Arts, Russia

2. Les premiers archéologues
Au début du XIXe siècle, les archéologues succèdent aux voyageurs, pour tenter d'arracher des informations au site qui est encore celui du village de Castri, dont les maisons et les terrains empêchent d'entreprendre des fouilles scientifiques.
La photographie, outil immédiatement adopté par les savants du fait de son exactitude, supplante également les vues pittoresques des années passées. Ces clichés anciens se distinguent autant par leur précision que par leurs qualité artistiques.

Malgré les progrès techniques, le site reste difficile d’accès, malsain d'un point de vue sanitaire, et échappant encore, du fait du banditisme traditionnel, a l'autorité du jeune État grec.
Toutes ces raisons retarderont les projets de fouille, qui restent limitées à Delphes des poches interstitielles, alors que grand nombre d'autres sites prestigieux, en Grèce et en Asie mineure, sont dégagés au cours de la seconde moitié du XIXe siècle.

Après la fouille très limitée de Laurent a Marmaria (1838), les archéologues scrutent au milieu (et parfois à l'intérieur) des maisons du village les vieilles pierres, faisant surtout la chasse aux inscriptions. Le grand mur polygonal se révélant couvert d'inscriptions, c'est dans ce secteur que se concentrent les premiers creusements, qui font apparaitre le portique des Athéniens dont quelques délicates colonnes ioniques sont prestement remontées.
Ainsi commence, vers 1860, la renommée moderne du site à partir de ses monuments et non plus seulement du fait des auteurs anciens qui l'avaient célébré comme l'un des hauts lieux du monde antique.

Le village s'était implanté directement sur les ruines, et ses maisons en pierre réutilisaient, comme il se doit, les milliers de blocs arrachés aux monuments réduits le plus souvent à leurs fondations. Il était donc clair que seule la reconstruction du village à un autre endroit serait susceptible de rendre possible le dégagement complet du sanctuaire de Delphes.


Une lutte s'engagea donc entre différentes puissances étrangères, à l'époque très influentes dans le jeu politique grec, pour arracher la concession archéologique du site. Après d’âpres négociations, et en contrepartie d'un traité d'importation de raisins secs, la France ratifia un accord avec la Grèce concédant à l’École française d’Athènes, après reconstruction du village plus à l'ouest, une période de fouilles de dix ans.
Cette entreprise titanesque fut rendue possible par le vote d'une subvention exceptionnelle par le parlement français.

Ces deux belles photos antérieures aux fouilles montrent le charme de ce village ou se mêlaient l'ancien et le récent (le village avait en grande partie été reconstruit à la suite d'un tremblement de terre en 1878).
En haut une photo, extraite d'une publication du savant allemand Hans Pomtow, qui montre des murs construits sur la plateforme du temple dont on voit la ligne de pierres qui constituait son socle (euthynteria).
A droite, la pittoresque fontaine de Castri, lieu de rencontre des femmes du village, baptisée du nom de Cassôtis, célèbre fontaine liée à l'oracle et qui se trouvait à peu près au même endroit.
