Apollon, à peine né sur l'îlot de Délos, part sur les routes pour trouver un lieu ou fonder son culte.
Après avoir été berné par la muse Telphousa qui cherche à l'écarter de son sanctuaire en Béotie, il prend le chemin du Parnasse pour y batir un temple. Il commence par tuer le monstre femelle qui gardait l'endroit. Le monstre pourrit, donnant son nom au lieu : Pythô.
Il détourne un groupe de navigateurs crétois pour qu'ils instaurent son culte en cet endroit.
L'Hymne homérique à Apollon : récit détaillé du voyage du dieu de Délos, son lieu de naissance, jusqu’à Delphes ...
Plusieurs variantes, contradictoires, coexistent sur la façon dont Apollon s'empara de l'oracle.
Certaines en donnent une version violente, d'autres laissent entendre que Thémis, à qui Gâ avait confié l'oracle, transmit paisiblement la propriété à Apollon.
Ces mythes sont à l'image du dieu, qui a une réputation a priori pacifique (civilisateur, constructeur, protecteur des troupeaux, musicien, etc.), mais dont une face mois connue est violente, sanguinaire ("l'Apollon au couteau"), et fut pour cette raison le dieu consulté par les meurtriers.
(écouter Marcel Détienne : Apollon, le bel assassin de Delphes)
En tout état de cause, Apollon a délogé une déesse qui régnait auparavant sur l'oracle. Gâ, Athéna, Déméter, Artémis étaient toujours vénérées à Delphes, mais, à part Gâ, ces déesses furent mises à distance de l'Apollonion, autour du temple, réservé au dieu principal.
DELPHES, nombril du monde grec / Delphi, navel of the Greek World
l'omphalos
En plus d’être un lieu oraculaire, Delphes était considéré comme le centre du monde, du fait que deux aigles, envoyés par Zeus depuis les extrémités orientale et occidentale du monde, s'étaient rencontrés en cet endroit, et y avaient lâché une pierre ombilicale.
Cette pierre est souvent représentée sur des peintures de vase ou des reliefs sculptés, ce qui permet de situer la scène à Delphes.
Plutôt qu'un nombril, sa forme évoque celle d'un œuf qui serait en partie enterré. L'omphalos, sur ces représentations, est nu ou revêtu de filets de laine plus ou moins denses. L'agrenon qui le recouvre sur certaines représentations est un attribut oraculaire.
Un serpent est parfois enroulé autour de la pierre conique, accentuant son caractère chtonien.
Deux aigles en or encadraient la pierre. Ceux-ci, parait-il, furent fondus par les Phocidiens pendant la troisième guerre sacrée. On ne sait pas si, avec le produit de la lourde amende qui leur fut infligée, ils furent refaits.

De nos jours, un omphalos en calcaire local est visible sur le site (ci-dessous), en contrebas du trésor des Athéniens, à son lieu de trouvaille lors des fouilles.
La présence de scellements sur la face inférieure rend peu probable le fait qu'il s'agisse de l'original, dont Pausanias dit qu'il est de marbre.

Le voyageur Pausanias mentionne l'omphalos en faisant le tour du temple, mais les indications des textes et auteurs anciens sur son emplacement exact sont contradictoires, bien que probablement il n'ait pas été déplacé de son point de chute supposé au cours de l'antiquité.
Pausanias a-t-il vu le vrai omphalos ou une représentation ? L'omphalos était-il dans la cella du temple, comme le prétend le poète Pindare ? Tous ces sujets ont été discutés sans qu'une conclusion ne s'impose.




L'omphalos et le trépied
Il arrive que l'omphalos soit représenté sous le trépied delphique, mais cette association peut être symbolique pour représenter Delphes plutôt que de rendre compte d'une réalité topographiques contredite par la plupart des représentations.
Le motif signifierait : "l'oracle qui est au centre du monde"

L'omphalos et les aigles



Sacrifice à Delphes. La victime, l'omphalos entouré du serpent, un prêtre et Apollon.
Sur la colonne, les attributs du dieu.
L'omphalos n'était pas la seule pierre vénérée de Delphes. Pausanias nous signale l'existence de la "pierre de Cronos" (la pierre que Rhéa avait mise en remplacement de son fils Zeus pour le soustraire à la voracité de Cronos, son père), que les Delphiens oignaient régulièrement.
Ce culte des pierres (appelées bétyles en Orient, souvent des météorites) correspond à des état anciens de la religion.

